Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient les ossements de ses pères ? c’est ce que nous ignorons, et ce qui importe peu pour le moment. Quelque absorbé toutefois qu’il fût dans ses pensées, il ne restait étranger à aucune des vagues rumeurs qui, de loin en loin, se faisaient entendre.

Cependant à l’immobilité de sa posture, qui prouvait que tous les bruits du désert n’étaient que ce qu’ils devaient être, succédaient, petit à petit, quelques mouvements du corps ou de la tête, comme si d’autres indices se mêlaient aux voix de la nuit et de la solitude.

Une sorte de ronflement sourd, apporté par la brise, et qui semblait sortir du milieu même de la rivière, confirma bientôt les soupçons de l’Apache. Il fit signe à ses deux rameurs de cesser de nager, et il se pencha sur le corps du Canadien, qui, sentant qu’on lui touchait l’épaule, ouvrit les yeux et regarda autour de lui. Il vit les deux Indiens tenant en main leurs avirons immobiles ; il devina qu’il y avait quelque danger encore caché.

La rivière qui, à l’endroit où il s’était endormi, coulait à travers une plaine, était encaissée entre deux rives assez élevées, quand il se réveilla.

« Dois-je appeler Pepe ? dit le Canadien.

– Laissez-le dormir, reprit le Comanche ; nous l’éveillerons s’il est besoin. J’ai ouï dire que la balle de l’Aigle-des-Montagnes ne manquait jamais son but.

– Oui, mon garçon, c’était vrai avec la carabine que j’ai laissé briser entre mes mains ; avec celle-ci je ne pourrais, en vérité, ne l’ayant pas essayée, répondre du premier coup que je lâcherai. Mais pourquoi m’avez-vous éveillé ? »

Un grognement plus distinct et plus prolongé, semblable au bruit d’un soufflet de forge, se chargea de la réponse de l’Indien.

« Ah ! dit le Canadien, je ne vous en demande pas davantage. Qu’importe, après tout ? Passons outre ; et, à