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Bientôt, sur la surface sombre du fleuve, l’îlot apparut aux yeux des navigateurs, et sur l’îlot de sable et de rochers une masse énorme et noirâtre se laissa voir.

« Jésus Maria ! dit à voix basse le gambusino, épouvanté à la vue de l’ennemi dont il ne soupçonnait pas la taille gigantesque.

– Fiez-vous plus à votre couteau qu’à une prière, » fit vivement Pepe.

Le canot avançait doucement, et, à l’aspect des hommes qui le montaient, l’ours fit entendre un horrible grognement, et l’une de ses monstrueuses pattes, en grattant le sol, fit couler dans la rivière une avalanche de sable ; puis il commença de se lever lentement sur l’arrière-train, comme un buffle cabré.

Le canot avait attaqué la passe fatale ; ceux qui le montaient se tenaient prêts.

« Allons, Comanche, un bon coup de rame, d’où dépend peut-être la vie de sept hommes ! » dit Bois-Rosé.

Et l’Intrépide coureur des Bois enfonça d’un bras ferme son aviron dans l’eau de manière à faire glisser l’embarcation le plus rapidement et le plus loin possible de l’animal, qui, debout, semblait hésiter à commencer l’attaque. L’indien seconda non moins vigoureusement le chasseur et leva sa rame en l’air au moment où la barque passait comme la flèche à une toise à peine du gigantesque et féroce gardien de la petite île.

Celui-ci semblait encore indécis s’il s’élancerait contre le canot, et Bois-Rosé espérait avoir heureusement franchi ce pas dangereux, lorsque, avec une rapidité telle que le vieux chasseur ne put le prévenir, un des Comanches, qui avait lâché sa hache, décocha dans le ventre de l’ours une flèche qui s’enfonça profondément dans ses entrailles.

Bois-Rosé ne put retenir un cri de colère, et l’animal blessé poussa un rugissement de rage comme celui d’un bison atteint d’un coup de lance, et, en faisant claquer