Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/339

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Bientôt des hurlements éclatèrent dans la plaine, le long des rives du fleuve ; les Comanches y répondirent, et ces hurlements se mêlèrent à ceux du monstrueux habitant de l’îlot. La flèche qui avait percé ses entrailles, les trois coups de hache qui avaient frappé son crâne semblaient n’avoir fait qu’exciter sa fureur.

« Courage, Bois-Rosé, courage ! s’écria Pepe agenouillé à l’arrière du canot et surveillant, avec les Indiens, les progrès alarmants de l’animal à la nage, qui levait à chaque instant une de ses lourdes pattes pour atteindre la frêle embarcation. Vive Dieu ! nous l’avons échappé belle, continua-t-il au moment où l’eau fouettait de nouveau son visage. Un bon coup d’aviron, Comanche, pour le dernier. Bois-Rosé, est-ce vous qui avez tiré tout à l’heure ?

– Oui, dit le Canadien toujours courbé sous l’aviron, et l’arme n’est pas trop mauvaise. Mais tirez donc à votre tour sur ce diable d’ours : ne visez qu’au mufle. »

En effet, il n’y avait plus rien à ménager : les Indiens connaissaient la présence des fugitifs, et il était urgent de se débarrasser de l’ennemi de la rivière pour être prêts à soutenir la prochaine attaque de ceux de la plaine.

« Allons, Gayferos, êtes-vous prêt ? Vous entendez, au mufle de l’animal.

– Oui, » répondit le gambusino.

Deux coups de feu retentirent à la fois ; mais le canot bondissait si violemment que les balles n’atteignirent pas l’ours à l’endroit désigné. Le monstre ne fit que secouer son énorme tête, d’où cependant l’on vit jaillir le sang.

« L’animal enragé ! » s’écria Pepe désappointé.

L’Espagnol et Gayferos rechargeaient leurs armes pour faire feu tous deux une seconde fois. Sous les oscillations et les écarts de l’embarcation, viser n’était pas chose facile.

Cependant les tireurs avaient réussi à se remettre en