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che, sa carabine à la main, y sautait de son côté.

« Au large ! dit-il à Bois-Rosé. Que l’aigle laisse faire un guerrier sans peur. »

L’Indien et l’ours avaient pris terre sur le même bord, à une distance d’à peu près vingt pas l’un de l’autre.

Les préparatifs de combat du Comanche étaient trop simples pour lui faire perdre plus de quelques secondes. Tandis que l’ours s’avançait à ce trot familier à son espèce, Rayon-Brûlant s’assit par terre avec un calme qui excita l’admiration de Bois-Rosé lui-même, car la vie du jeune Indien allait dépendre d’un faux mouvement, d’un long feu de son fusil, ou d’autres circonstances indépendantes de l’homme le plus intrépide. La crosse de sa carabine contre son épaule, le canon le long de sa joue, et prêt à faire feu, l’Indien immobile attendit.

Presque égal en grosseur à un bison, le gigantesque et féroce animal, la terreur des Prairies, s’avançait en retroussant ses lèvres sanglantes au-dessus de ces terribles dents blanches.

Le fusil du Comanche suivait lentement ses mouvements ; puis, quand la bouche du canon toucha presque son énorme mufle, le coup partit. Le colosse s’affaissa ; mais, entraîné par l’impulsion de sa marche, il eût écrasé l’Indien sous son cadavre, si celui-ci, la gâchette à peine lâchée, ne se fût replié sur lui-même avec la merveilleuse élasticité d’un clown, et ne se fût retrouvé sur ses jambes à six pas de là, et le couteau à la main.

L’Indien jeta un regard d’orgueil sur son ennemi gisant sur le sable ensanglanté, et coupant rapidement, avec toute la dextérité d’un veneur habile, la patte énorme de l’ours gris à la première jointure, il vint reprendre sa place dans le canot.

« Rayon-Brûlant est brave comme un chef, dit Bois-Rosé en pressant la main du Comanche. L’Aigle et le Moqueur sont fiers de leur jeune ami. Son cœur pourra