Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/344

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pulsion des avirons, glissait sur la rivière avec assez peu d’oscillations pour que la main d’un tireur ne fût pas dérangée par le roulis.

Le Canadien et l’Espagnol allongèrent une fois de plus leur bras si fatal aux Indiens, et firent feu.

« En voilà deux qui ne suivront plus les traces de personne, dit Pepe ; je réponds qu’ils ne tiendront plus de mauvais propos sur nous.

– Peut-être ne sont-ils que blessés, fit Gayferos, qui vit, à sa grande joie ainsi qu’à son extrême surprise, qu’on pouvait atteindre des ennemis de si loin, et la nuit surtout.

– J’en doute, reprit Bois-Rosé. En tout cas, ils sont hors d’état de nuire. Mais, ajouta-t-il avec dépit, nous ne pouvons empêcher ceux qui survivent de se loger avant nous sous le couvert des arbres. Assez assez, » poursuivit le Canadien en faisant signe de la main de ne plus ramer. Les derniers cavaliers indiens venaient de disparaître sous le taillis, non cependant sans que la carabine du Comanche, qui retentit subitement aux oreilles de tous, en eût jeté un troisième par terre.

À peine quelques instants s’étaient-ils écoulés qu’une décharge fut dirigée vers le canot. Heureusement, à l’exception d’un des rameurs, dont une balle frappa le bras, et d’un trou qu’ouvrit une autre balle dans le flanc de l’embarcation au-dessus de la ligne d’eau, cette riposte des Indiens n’eut pas de suites funestes. Le Comanche fit jouer de son bras valide le bras qui venait d’être atteint : l’os n’était pas brisé ; la chair seule était déchirée tout alentour.

Le Canadien prit l’aviron à sa place et dirigea le canot, en remontant le courant vers une petite crique que protégeait plutôt une ceinture épaisse de roseaux que l’élévation du terrain qui la formait.

C’était encore cependant le meilleur abri qui existât dans le voisinage.