Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/354

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fleuve avaient commencé à se couvrir de grands et sombres taillis, lorsque enfin la lune se leva.

C’était signe que le jour approchait ; l’obscurité néanmoins continuait à envelopper la rivière. À peine la lune, qui argentait les sommités des arbres, laissait-elle de loin en loin tomber un pâle et furtif rayon sur le courant du fleuve. Souvent, sur la nappe des eaux que ces lueurs fugitives n’éclairaient pas, les avirons s’engageaient dans le réseau de branchages de quelque arbre flottant accroché au rivage. C’était encore un nouvel obstacle à ajouter aux précédents. Les deux chasseurs s’entretenaient à voix basse, tout en portant leurs regards sur tous les points.

« Si les coquins que nous venons d’étriller, disait Pepe en secouant la tête avec une certaine inquiétude, savent leur métier de maraudeurs, ils auraient beau jeu à venir prendre leur revanche au milieu des embarras de ce maudit fleuve si obstrué, que, de tous ceux que nous avons parcourus en canot, il est le seul que je puisse comparer à l’Arkansas. Depuis que nous sommes entrés dans ce labyrinthe de forêts, nous avons fait à peine une lieue, et à peine y a-t-il une autre lieue entre le commencement de ces taillis touffus et l’endroit où nous avons combattu : total, deux lieues en deux heures. Or, comme je vous le disais, si les coquins savent leur métier, chaque cavalier aura pris un piéton en croupe, et depuis une heure déjà ils peuvent être à nous attendre à l’affût à quelque distance d’ici.

– Je n’ai rien à dire à cela, Pepe, répondit Bois-Rosé ; il est certain que ces rives noires sont merveilleusement propres à cacher une embuscade, et je suis d’avis qu’il faut du moins éclairer notre marche sur la rivière pour la rendre plus rapide. Je vais en dire deux mots au Comanche. »

À la suite d’une courte délibération à cet effet, les rameurs firent aborder le canot. Les Indiens enlevèrent