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du rivage une large plaque de gazon qui fut disposée à l’avant de l’embarcation sur deux fortes branches d’arbre ; de menus rameaux de cèdre rouge furent entassés sur cette plaque comme sur la pierre d’un foyer ; après quoi on y mit le feu, et une vive clarté, comme celle d’un fanal, se projeta bientôt à une assez longue distance pour éclairer la marche incertaine des navigateurs.



CHAPITRE XXVII

LA PASSE-ÉTROITE.


De temps en temps, à l’aide des branches enflammées du cèdre, le Canadien examinait attentivement le fleuve à l’arrière du canot, tandis que, sur l’avant, le brasier continuait à en guider la marche.

La clarté rougeâtre que répandait le foyer donnait aux Indiens l’aspect fantastique de statues de bronze encore incandescent ; sur les rives on voyait les arbres, témoins silencieux du passage des navigateurs, surgir et disparaître tour à tour comme des fantômes, les uns avec leurs guirlandes de mousse balancées par la brise, les autres avec leurs lianes entrelacées, tandis que, dans la zone lumineuse du foyer, les branches et les troncs dont la rivière était couverte semblaient flotter dans une mer de feu.

C’était l’heure où tout dort dans les bois, les bêtes féroces après leur chasse de nuit, les animaux timides avant de secouer le sommeil à l’approche du matin, et où le hibou, le premier des oiseaux qui salue l’aube du jour, est encore engourdi dans le creux des arbres morts. Le silence profond de la nature assoupie n’était troublé