Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/357

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geâtres de son foyer, qui commençait déjà à jeter un éclat moins vif, et le coureur des bois oubliait, comme Pepe, de scruter les eaux assombries derrière eux.

La clarté du brasier expirait lentement, quand le jeune chef cessa de chanter ; la nuit reprit son majestueux silence.

Il semblait que l’Indien n’avait attendu que ce moment pour dire adieu à la vie. Un dernier mouvement convulsif annonça qu’elle n’allait pas tarder à l’abandonner.

« Wah-Hi-Ta est content, murmura-t-il de nouveau, il a répondu par la bouche d’un ami à la voix de ses pères.

« Il ne sera plus longtemps un obstacle à la marche de ses frères ; Rayon-Brûlant portera là-bas (l’Indien paraissait désigner l’emplacement de son village) la nouvelle de la mort qu’un guerrier a trouvée sur le sentier de la guerre. »

En prononçant ces mots, si bas qu’on put à peine les entendre, l’Indien expira dans les bras du jeune chef. Le canot continua encore sa marche pendant quelques instants ; puis, quand il fut hors de doute que le dernier souffle de la vie était venu expirer sur les lèvres de Wah-Hi-Ta, les rameurs firent aborder l’embarcation à l’une des rives.

Deux des Indiens descendirent à terre, la couverture de laine du mort à la main, et quand elle fut remplie de pierres pesantes, quand la provision de bois sec se fut renouvelée, le canot reprit sa marche.

Revêtu alors de son manteau, Wah-Hi-Ta fut soigneusement enveloppé dans la couverture et livré aux eaux du fleuve, pour dérober son corps à toute profanation.

Le foyer ranimé jeta une clarté plus vive ; le cercle de lumière s’élargit, et les restes du guerrier s’enfoncèrent dans une nappe d’eau lumineuse qui se referma sur eux.