mains de ces coquins qui ont dû livrer au cours de l’eau tous les arbres morts qu’ils auront trouvés sur les rives. C’est probablement pendant le temps que nous avons mis pied à terre que les arbres ont dérivé ainsi derrière nous. Cela prouverait que les diables rouges, soit dit sans vous offenser, Comanche, ont l’intention de nous attaquer en aval, et qu’ils veulent nous couper la retraite en amont. »
L’opinion de Pepe, qui n’était que trop vraisemblable, ne trouva de contradiction ni chez Bois-Rosé ni chez le jeune Comanche. Il paraissait certain que les Indiens avaient pris l’avance pour s’embusquer dans les bois en avant du canot ; dès lors la route par terre devenait moins dangereuse que par eau : il fut donc résolu qu’on cesserait de naviguer et qu’on ferait un large détour à travers les bois, pour éviter l’attaque qui semblait imminente en continuant à suivre le cours de la rivière.
La barque de cuir fut encore une fois tirée de l’eau et portée au milieu d’un épais massif d’arbres, sous les basses branches desquels elle fut soigneusement cachée avec toutes les précautions usitées chez les Indiens. Les voyageurs ne prirent des munitions de guerre et des provisions de bouche que ce que chacun pouvait en porter sans gêner sa marche ; le reste fut déposé dans un fourré presque impénétrable.
« Vous qui avez déjà parcouru ces solitudes, dit le Canadien à Rayon-Brûlant, vous serez notre guide ; votre jeune tête a toute l’expérience d’un homme dont la chevelure a grisonné sur le sentier de la guerre, et nous nous en rapporterons complétement à vous.
– À la distance que pourrait d’ici franchir un élan sans reprendre haleine, répondit le jeune guerrier, nous trouverons un endroit si resserré entre les deux rives, que le fleuve semble couler sous une voûte. C’est ce qu’on nomme la Passe-Étroite. Si les Indiens sont quelque part à nous attendre, ce ne peut être que là. »