Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/36

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donné sa cause, une expression de douleur se peignit sur sa mâle figure.

« Est-ce comme ami ou comme ennemi que vous venez à moi, Diaz ? dit-il. Seriez-vous aussi de ceux qui prennent un secret plaisir à voir l’humiliation des hommes qu’ils adulaient aux jours de leur puissance ?

– Je suis de ceux qui n’adulent que les grandeurs déchues, reprit Diaz, et qui ne s’offensent pas de l’amertume de langage que dicte un grand malheur. »

En disant ces mots, que confirmaient son attitude et la tristesse de son regard, Diaz s’empressa de délier la ceinture dont les bras du noble captif étaient entourés.

« J’ai engagé ma parole que vous ne chercheriez pas à vous soustraire au sort, quel qu’il soit, qui vous attend entre les mains de ces hommes qu’un si funeste hasard a placés sur notre route, ajouta Diaz. J’ai pensé que vous n’aviez jamais su fuir.

– Et vous avez bien fait, Diaz, répliqua don Estévan ; mais pressentez-vous le sort qu’il plaît à ces drôles de me réserver ?

– Ils parlent d’un meurtre à venger, d’une accusation, d’un jugement.

– Un jugement ! reprit don Antonio avec un sourire amer et hautain ; on peut m’assassiner, mais on ne me jugera jamais.

– Dans le premier cas, je mourrai avec vous, dit simplement Diaz ; dans le second… Mais à quoi bon parler de ce qui ne peut être ? Vous êtes innocent du crime dont on vous accuse.

— Je pressens le sort qui m’est réservé, reprit don Estévan sans répondre à l’affirmation de l’aventurier. C’est un fidèle sujet que perdra le roi don Carlos Ier. Mais vous continuerez mon œuvre, vous régénérerez la Sonora. Vous retournerez vers le sénateur Tragaduros ; il sait ce qu’il doit faire, et vous le seconderez.

– Ah ! s’écria Diaz avec douleur, une pareille œuvre