Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/367

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lement de combat ; puis, comme les héros antiques, ils jetèrent leurs noms au tumulte de la bataille.

« L’Aigle des Montagnes ! s’écria Bois-Rosé d’une voix de stentor.

– Le Moqueur ! » hurla Pepe avec un cri déchirant, imitation railleuse du cri de l’oiseau dont sa langue acérée lui avait fait donner le nom.

Gayferos seul ne lança aux échos ni son hurlement de guerre ni son terrible nom de Crâne-Sanglant ; le pauvre gambusino se contentait d’entendre, éperdu, ces hurlements qui lui rappelaient la perte de sa chevelure et les horribles angoisses qu’il avait souffertes. Ce n’est que petit à petit qu’on se trempe au feu de ces batailles corps à corps.

Des voix répétèrent après eux les noms de l’Aigle et du Moqueur, tandis que les trois guerriers tournaient un coude de la rivière. Là, un spectacle nouveau frappa leurs yeux.

Le fleuve en cet endroit était resserré entre deux berges escarpées qui s’élevaient à une hauteur de quarante pieds au-dessus de son niveau, et à six à peine de distance l’une de l’autre.

L’inclinaison de ces deux berges vers leur sommet semblait indiquer que jadis elles étaient jointes, et qu’une convulsion du terrain avait ouvert la voûte sous laquelle devait couler la rivière comme à travers un canal souterrain.

C’était la Passe-Étroite. La lune brillait de tout son éclat, et les chasseurs purent voir ce qui se passait au faîte de cette arche disjointe.

Ce qui s’accomplit alors à leurs yeux fut si rapide qu’ils ne purent y prendre un instant part que du regard. De chacun des côtés de l’arche brisée, un guerrier cherchait à franchir l’espace qui le séparait de l’autre guerrier.

« Arrêtez, arrêtez, Comanche, s’écria le Canadien tout