Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/38

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« J’ai le droit de rester le front couvert devant le roi d’Espagne, j’userai près de vous de mon privilège, répliqua-t-il ; j’ai le droit aussi de ne répondre que quand je le juge à propos, et c’est encore un droit dont j’userai, ne vous déplaise. »

Malgré la fierté de sa réponse, l’ancien cadet de Mediana dut se rappeler qu’il y avait bien loin à présent du jeune homme qui se constituait son juge à l’enfant tremblant et pleurant sous son regard vingt ans auparavant dans le château d’Elanchovi.

L’aiglon timide était devenu l’aigle qui, à son tour, le tenait dans ses serres puissantes.

Les regards des deux Mediana se croisèrent comme deux épées, et Diaz considérait avec un étonnement mêlé d’un certain respect le fils adoptif du gambusino Arellanos, grandi et transformé et tout à coup si élevé au-dessus de l’humble sphère dans laquelle il l’avait un instant connu.

L’aventurier attendait le mot de cette énigme.

Le front de Fabian s’arma d’un orgueil égal à celui du duc de l’Armada.

« Soit, reprit-il ; peut-être cependant ne devriez-vous pas oublier qu’ici le droit du plus fort n’est pas un mot vide de sens.

– C’est vrai, répondit don Antonio, qui, malgré son apparente résignation, frémissait de rage et de désespoir de se voir si fatalement échouer au port. Je ne dois pas perdre de vue que vous êtes disposé sans doute à profiter de ce droit. Je répondrai donc à votre question, mais pour vous dire que je ne sais de vous qu’une chose, c’est qu’un démon vous a suscité pour jeter continuellement vos haillons entre le but que je poursuis et moi… Je sais… »

La rage lui coupa la parole.

L’impétueux jeune homme dévora en pâlissant cet outrage de la part de l’assassin de sa mère, qu’il soup-