Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/39

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çonnait d’être encore le meurtrier de son père adoptif.

Certes, c’était un héroïsme de modération dont ne pourrait assez s’étonner celui qui sait à quelle faible valeur est estimée la vie d’un homme dans ces déserts, où le bras qui l’a tranchée ne saurait être atteint par la loi ; mais le court espace de temps qui s’était écoulé depuis que Fabian s’était joint à Bois-Rosé avait suffi pour que, sous la douce influence du vieux chasseur, son âme éprouvât de profondes modifications.

Ce n’était plus le jeune homme mettant ses passions fougueuses au service d’une vengeance à laquelle il courait en aveugle ; il avait appris que la force doit toujours être accompagnée de la justice et qu’elle peut souvent s’allier à la clémence.

Tel était le secret d’une modération si contraire jusqu’alors à son tempérament. Il était cependant facile de voir, à la contraction de ses traits, quels efforts il avait dû faire pour imposer silence à la colère qui grondait au fond de son cœur.

De son côté, le seigneur espagnol dévorait sa rage en silence.

« Ainsi, reprit Fabian, vous ne savez rien de plus de moi ? vous ne savez ni mon nom ni ma qualité ? je ne suis donc rien que ce que je parais être ?

– Un assassin, peut-être, » reprit Mediana en tournant le dos à Fabian, pour indiquer qu’il ne voulait plus répondre.

Pendant ce dialogue entre ces deux hommes du même sang, d’une nature également indomptable, le chasseur et Pepe étaient restés à l’écart.

« Approchez, dit Fabian à l’ex-carabinier, et venez dire, ajouta-t-il avec un calme forcé, qui je suis à l’homme dont la bouche me donne un nom que lui seul a mérité. »

S’il avait pu rester quelque doute encore à don An-