Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/388

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seurs. La rivière, dont il connaissait parfaitement les abords, était si profondément encaissée dans les montagnes qu’il était impossible d’en trouver de suite l’emplacement, et Bois-Rosé et Pepe erraient encore à l’aventure bien loin de là, que déjà le métis avait rejoint ses compagnons, qui l’attendaient avec impatience.

« Qui trop embrasse mal étreint, dit Main-Rouge d’un ton de mauvaise humeur, pendant qu’il ramait avec son fils pour s’éloigner ; vous avez toujours vingt projets en tête, sans jamais en exécuter un seul. »

Le métis montra silencieusement du geste Fabian, étendu et garrotté au fond du canot, pour protester contre l’accusation de son père.

Main-Rouge continua :

« Et les deux autres que vous deviez livrer ! et ce trésor que nous abandonnons ! tandis que, grâce à l’obscurité, grâce à nos armes, nous pouvions en un tour de main nous emparer des hommes et de l’or.

– Écoutez, Main-Rouge, si je consens à justifier ma conduite, c’est dans le but que vous ne me rompiez plus les oreilles de vos récriminations. Nous ne sommes plus que quatre contre deux. Par un temps semblable à celui-ci, une carabine ne vaut pas mieux qu’un couteau. Attendre que l’orage fût passé, c’eût été attendre le prochain lever du soleil, et je n’en ai pas le temps. Quant aux hommes, en voilà déjà un que d’ici à trois jours je livrerai à l’Oiseau-Noir. Les deux autres ne comptent plus : dans les Prairies un chasseur sans armes est un homme mort ; la faim et les ours nous en auront débarrassés, avant que nous soyons à la Fourche-Rouge. Le trésor, ne vous en inquiétez pas, il n’y a pas de danger qu’il s’envole, et nous y reviendrons avant la fin de la lune, tandis qu’un jour peut me faire manquer l’occasion de saisir un autre trésor, la Colombe blanche du Lac-aux-Bisons, qui a des ailes pour s’envoler. Avez-vous quelque chose