Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/389

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à répondre à ces raisons ? parlez vite, pour qu’il n’en soit plus question.

– Que m’importent à moi toutes les colombes du monde, blanches ou rouges ? Les deux chasseurs emporteront le magot avec eux, et à notre retour nous trouverons l’oiseau déniché. »

Le métis haussa les épaules avec dédain.

« L’or donne-t-il à manger dans les déserts ? dit-il ; songe-t-on à thésauriser quand on meurt de faim, à plus de dix-huit cents milles de tout établissement ? Ces deux vagabonds, sans armes, estiment l’or au même prix que le squelette d’un bison nettoyé par les loups. J’ai vu plus d’un chasseur, muni d’un bon rifle, qui ne manquait jamais son coup, endurer la faim dans les Prairies. Que feront ceux-là sans fusil ? à l’heure qu’il est, ils cherchent nos traces et ne les trouvent pas, et la mort les surprendra dans leurs recherches. Quant à la Colombe blanche, elle m’importe beaucoup à moi ; et, dussé-je fouler aux pieds votre propre cadavre pour arriver jusqu’à elle, j’y arriverai : tenez-le-vous pour dit.

– Puissiez-vous avoir un fils qui vous tienne un jour le même langage ! s’écria le vieux renégat en baissant le regard devant l’œil étincelant de Sang-Mêlé, au moment où il prononçait ces horribles paroles.

– Avez-vous autre chose à me répondre ? » dit le métis d’une voix railleuse.

Main-Rouge ne répliqua pas, et les deux bandits continuèrent à ramer silencieusement ; mais l’Américain avait à décharger sur quelqu’un la rage qui l’étouffait.

« Où avez-vous enfoui le trésor, chien ? dit le forban en poussant du pied le corps de Fabian, au moment où celui-ci ouvrait les yeux pour la première fois.

– Répondras-tu, vagabond ? reprit le renégat impatient.

– Qui êtes-vous ? dit Fabian en se rappelant sa chute,