Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/390

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et aux yeux de qui ne jaillit pas encore dans tout son terrible éclat la réalité de sa position.

– Il demande qui je suis ! s’écria Main-Rouge avec un rire farouche. C’est à toi de me répondre d’abord. Où avez-vous enfoui le trésor ? »

À cette seconde question Fabian avait repris toute sa connaissance. Il chercha de l’œil Bois-Rosé et l’Espagnol, et son regard ne rencontra que le visage des deux pirates des Prairies et les peintures indiennes des deux Apaches. Qu’étaient devenus les deux chasseurs ? voilà ce que Fabian ignorait et dont il voulut s’assurer.

« Un trésor, dit-il, je n’en ai jamais entendu parler. Bois-Rosé et Pepe n’avaient pas l’habitude de me confier leurs secrets. Demandez-le-leur à eux-mêmes.

– Le leur demander, à ces vagabonds ! s’écria le vieux renégat ; interrogez le nuage que nous avons vu hier et que nous ne reverrons plus, le nuage vous répondra-t-il ?

– En effet, les morts ne parlent plus, dit Fabian.

– Les vagabonds ne sont pas morts, mais ils n’en valent pas mieux. À quoi leur servira leur liberté sans leurs armes ? à devenir la proie de la faim. À quoi vous sert maintenant à vous la vie ? à devenir également la proie de l’Oiseau-Noir, dont les serres vous arracheront le corps lambeau par lambeau. »

Les deux chasseurs étaient libres et vivants, et un sourire dédaigneux erra sur les lèvres de Fabian quand il eut acquis cette certitude.

« Il y a des chasseurs sans armes qui font encore fuir devant eux les pirates des Prairies, bien qu’ils affectent de les mépriser, dit-il en regardant en face les deux bandits.

– Nous ne fuyons pas, entends-tu, chien ! cria le renégat en grinçant des dents. Voyez-vous l’insolence de ce jeune drôle, Sang-Mêlé ? Quant à moi, je ne sais qui me tient que je ne lui enfonce dans le gosier ses insultantes paroles, acheva-t-il en dégainant son couteau.