Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/40

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tonio au sujet des dispositions de ceux entre les mains de qui il était tombé, ce doute dut s’évanouir devant l’air sombre dont Pepe s’avançait sur l’ordre de Fabian.

Les efforts évidents qu’il faisait pour comprimer les passions haineuses que réveillait en lui la vue du seigneur espagnol frappèrent ce dernier d’un pressentiment lugubre.

Un frisson passa sur le corps de don Antonio ; mais il ne baissa pas les yeux, et, fort de son invincible orgueil, il attendit avec un calme apparent que Pepe prît la parole.

« Parbleu ! dit celui-ci d’un ton qu’il s’efforçait en vain de rendre plaisant, c’était bien la peine de m’envoyer pêcher le thon sur les bords de la Méditerranée pour finir par me rencontrer à trois mille lieues de l’Espagne avec le neveu dont vous avez tué la mère ? Je ne sais si le seigneur don Fabian de Mediana est disposé à vous faire grâce ; quant à moi, ajouta-t-il en faisant résonner sur le sable la crosse de sa carabine, j’ai juré que je ne vous la ferais pas. »

Fabian lança sur Pepe un regard impérieux qui sembla lui enjoindre de subordonner sa volonté à la sienne, et, s’adressant ensuite à l’Espagnol :

« Seigneur de Mediana, vous n’êtes pas ici devant des assassins, mais devant des juges, et Pepe ne l’oubliera pas.

– Devant des juges ! s’écria don Antonio ; je ne reconnais qu’à mes pairs le droit de me juger, et je récuse comme tels un échappé des présides et un mendiant usurpateur d’un titre auquel il n’a pas droit. Je ne reconnais ici d’autre Mediana que moi, et je n’ai rien à répondre.

– Et cependant ce sera moi qui serai votre juge, reprit Fabian ; mais un juge impartial ; car, j’en prends à témoin ce Dieu dont le soleil nous éclaire, mon cœur,