Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/392

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Alors l’air de férocité brutale du père, l’ironique cruauté empreinte sur les traits sauvages du fils, lui disaient qu’il n’y avait à attendre d’eux aucune merci. Les gorges désertes qu’il parcourait lui rappelaient aussi qu’en vain il compterait sur le courage indomptable de ses deux compagnons d’armes, ces lieux abandonnés ne devant conserver aucune trace de son passage, pas plus que la voûte du ciel ne devait garder celle des éclairs dont elle était sillonnée.

La nuit s’écoula presque entièrement au milieu de ces tortures morales, que les souffrances physiques venaient encore aggraver, pendant que, sans paraître faire attention à l’eau qui ruisselait sur eux, les deux pirates et les Indiens se relayaient ou dormaient à tour de rôle à l’abri de leurs couvertures. Ce fut pour le pauvre Fabian une nuit longue, lugubre et cruelle. Cependant le métis avait donné quelque soulagement à ses membres torturés, en relâchant un peu les liens qui les comprimaient.

Quand le ciel se fut éclairci, les deux pirates firent halte sur le bord de la rivière, dans un endroit où un bouquet de grands arbres s’élevait au milieu de hautes herbes. Les premières teintes du crépuscule commençaient à jeter une lueur vague, et l’un des Indiens profita de cet instant qui sépare le jour de la nuit pour se mettre en chasse à peu de distance du campement. C’était l’heure favorable pour attendre à l’affût des daims ou des chevreuils qui descendent à la rivière.

Fabian fut laissé dans le canot dans un état de torpeur voisin de l’anéantissement, car la faim redoublait la souffrance qu’il éprouvait et les pensées tristes qui l’assiégeaient. Pendant ce temps le métis, son père et l’Indien qui était resté avec eux s’occupaient d’allumer un grand feu pour sécher leurs vêtements mouillés.

Le chasseur ne tarda pas à les rejoindre, apportant sur ses épaules un daim qu’il avait tué, et tandis qu’il en faisait rôtir les parties les plus grasses et les plus ten-