Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/394

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– Oh ! s’écria le renégat, je vous torturerai de mes propres mains, et je vous arracherai le démenti de vos paroles avec la chair de votre corps. Oui, le prisonnier n’est qu’un faux brave ; s’il était sûr de son courage, il mangerait pour conserver ses forces.

– Je vous ferai mentir, dit Fabian, je mangerai ; aussi bien, il y a maintenant sur mes traces deux chasseurs qui veulent que je vive ; mais je ne mangerai pas comme un chien à l’attache.

– Ah ! ah ! le prisonnier dicte ses conditions.

– Oui, reprit froidement Fabian ; je ne prendrai d’aliments que les bras libres de leurs mouvements.

– Bien. Il sera fait comme vous le désirez. »

En disant ces mots, l’athlétique Main-Rouge enleva Fabian tout garrotté hors du canot, le coucha sur l’herbe non loin du foyer, et fit descendre à ses jambes les liens de ses mains.

Le pauvre jeune homme, pour la première fois depuis douze heures, put voluptueusement étendre ses bras en liberté, après quoi, adossé au tronc d’un arbre, il accepta le morceau de venaison que lui présentait son bourreau.

Sang-Mêlé ne tarda pas à donner le signal du départ, et Fabian fut de nouveau transporté dans le canot sur les bras du vieux renégat ; ce qui explique comment, quand le lendemain, à pareille heure à peu près, les deux amis du prisonnier examinèrent les empreintes laissées autour du foyer et sur les bords de la rivière, ils ne trouvèrent pas celles de Fabian.

L’intention du métis était de ne continuer la navigation que jusqu’à la hauteur de l’Île-aux-Buffles. Le bandit voulait s’assurer si la cache qui renfermait leur butin était demeurée intacte. Une fois cette vérification faite, son intérêt bien entendu exigeait qu’il continuât sa route par terre pendant la journée qui allait suivre, afin d’éviter les nombreux détours de la rivière, qui dou-