Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/396

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Le parti des maraudeurs, maintenant au nombre de quatorze, campa jusqu’à la nuit pour reprendre sa marche à la faveur de la fraîcheur et de ténèbres.

Main-Rouge avait dégagé de leurs liens les jambes de Fabian, qui, les mains attachées derrière le dos, avait suivi, non sans peine, son farouche ravisseur. Fatigué de corps, mais non abattu d’esprit, le jeune prisonnier était assis sur l’herbe, à quelque distance du foyer de la halte, gardé à vue par deux Indiens qui ne le quittaient pas un seul moment, lorsque trois batteurs d’estrade lipanès amenèrent un Indien qu’ils avaient surpris à quelque distance du campement.

L’Indien était un Comanche, et, en sa qualité de fils d’une race ennemie, il avait été jeté, entouré de liens, côte à côte avec Fabian. Il devait donner au jeune blanc le terrible exemple du supplice d’un prisonnier de guerre. Le Comanche savait quelques mots d’espagnol, et les deux captifs, dont l’un devait montrer à l’autre le chemin sanglant de la mort, purent échanger quelques dernières et suprêmes paroles. Fabian nomma les deux chasseurs de leur nom indien, l’Aigle et le Moqueur, dont il vanta le courage, la force, l’adresse et surtout le dévouement sans bornes à sa personne.

« Et comment ces chiens appellent-ils le jeune blanc qui va mourir après moi ? demanda l’Indien.

– Le jeune guerrier du Sud, le fils de l’Aigle des Montagnes-Neigeuses, » répondit Fabian.

Sang-Mêlé vint interrompre le funèbre colloque. L’heure du Comanche avait sonné.

Celui-ci se leva et suivit le métis d’un pas ferme, en mêlant au chant de mort qu’il entonnait le nom et l’éloge de Rayon-Brûlant, qui devait le venger.

Ce nom fit changer le plan de Sang-Mêlé. Il avait promis à l’Oiseau-Noir de lui livrer le renégat apache, et l’occasion était favorable pour se donner envers le jeune Comanche un faux semblant de dévouement et de générosité.