Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/404

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donner à la fleur son brillant coloris, sa forme, ses contours gracieux, mais il ne saurait, malgré son habileté, y joindre ce léger tressaillement sur sa tige, que lui imprime l’air dont elle reçoit la vie.

L’œil sauvage du métis, qui n’avait accoutumé de voir que des beautés indiennes, étincela sous ses noirs sourcils et une joie satanique éclata sur ses traits bronzés : le hasard allait lui livrer l’objet d’un désir effréné comme tous les désirs qu’allumait dans ses veines le sang indien de sa mère.

Sang-Mêlé résolut alors de ne pas se montrer. L’œil toujours fixé sur la jeune fille, il recula pas à pas sans se détourner, et quand, petit à petit, les buissons et le feuillage eurent intercepté presque complétement ses regards, il s’accroupit silencieusement sur le sol et resta immobile, à portée de la voix de ceux qu’il épiait.

« Don Francisco, disait Encinas à l’un des domestiques de l’hacendero, si vous voyez quelques traces fraîches de bisons sur les bords de l’Étang-des-Castors, vous me le direz au retour, et en revanche du spectacle d’une chasse aux chevaux sauvages que vous nous avez donné, mes camarades et moi nous vous rendrons celui d’une chasse au buffle, qui a bien aussi son mérite. Maintenant laissez-moi vous mettre sur la route que vous devez suivre pour sortir de la forêt. »

Le sénateur, don Augustin et sa fille, montaient à cheval au même instant, et, conduite par le robuste chasseur de bisons, la petite cavalcade, suivie de trois domestiques, s’engagea le long d’un sentier étroit qui débouchait dans la plaine et serpentait à travers les hautes herbes.

Là, Encinas se sépara des cavaliers en leur souhaitant bonne promenade et en leur indiquant un gué pour traverser la rivière, et la route qui devait les conduire à l’étang des Castors, dont la jeune fille désirait visiter les curieux travaux.