Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/406

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nesse a-t-elle un passé ; puis, elle a un si long avenir devant elle !

Rosarita était sous le charme de ces douces impressions. Son passé, à elle, avait vingt jours à peine. Aussi, à ce moment, entre un passé si près d’elle et un avenir si large, elle n’hésitait guère, et, tout en laissant aller son cheval au pas, elle se plaisait à prévoir le moment où Fabian reviendrait à l’hacienda, aussi épris, plus clairvoyant peut-être que jadis.

Pendant que la jeune fille caressait avec ivresse ses rêves de bonheur, Fabian était à une courte distance d’elle, garrotté, prêt à mourir d’une horrible mort, un affreux danger la menaçait elle-même, et Rosarita, dans son heureuse ignorance, continuait à sourire à ses pensées.

Au moment où la petite caravane déboucha enfin du sentier dans la plaine, on aperçut la rivière, dont les eaux larges et profondes firent craindre aux voyageurs qu’Encinas ne se fût trompé en annonçant qu’à quelque distance de là se trouvait un gué. Comme don Augustin et le sénateur se consultaient à ce sujet, le premier s’écria :

« Dieu me pardonne, ces bords que je croyais si déserts sont habités ; j’aperçois un homme là-bas.

– Un blanc comme nous ? dit Rosarita, que la voix de son père venait de faire tressaillir en l’arrachant à ses pensées. Dieu soit loué !

– C’est un blanc, si l’on doit s’en rapporter à son costume, » répondit le sénateur.

Don Augustin, sans défiance, donna l’ordre à Francisco d’aller interroger cet homme sur l’existence du gué ; sans défiance, avons-nous dit, car comment aurait pu en exciter un personnage isolé comme celui-là, pacifiquement occupé, sur les bords d’une rivière déserte, à faire des ricochets sur l’eau ?

Quand le domestique arriva près de lui, sans que