Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/420

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Fabian arrêta le bras du renégat, et une courte lutte, dont la vigueur extraordinaire de l’Américain n’eût pas rendu l’issue douteuse, s’engageait entre le captif et le féroce gardien, lorsque, aux cris de Bois-Rosé, de l’Espagnol et de Rayon-Brûlant, partis de trois côtés opposés, se mêlèrent des hurlements qui éclatèrent de toutes parts, du nord, du sud et de l’est. Les aboiements furieux d’un dogue résonnaient au milieu de tout ce tumulte, comme les rugissements d’un lion enchaîné.

Dans un des efforts faits par Fabian pour éloigner de sa poitrine le couteau de Main-Rouge, le jeune homme, mal assuré sur ses jambes, que paralysaient les liens qui les serraient, tomba rudement à terre. Cette chute lui sauva la vie pour le moment.

Au milieu du fracas toujours croissant dont cette vallée naguère si calme était le théâtre, le vieux renégat se souvint tout à coup que la vie du prisonnier n’appartenait qu’à l’Oiseau-Noir, et il essaya de distinguer quel était l’ennemi qui s’avançait. Le rideau de verdure jaunâtre étendu devant ses yeux l’en empêcha.

Tout ce qu’il put voir fut cinq cavaliers indiens, probablement les plus alertes à se mettre en selle, dont les têtes surpassaient les hautes herbes ; au milieu de celles-ci et dans le lointain, une large et rapide ondulation, semblable à celle qui aurait été produite par le passage d’un troupeau de buffles, fixait son attention. En même temps cinq coups de fusils se croisèrent, les uns de gauche et les autres de droite, derrière la troupe des Apaches, et couchèrent par terre les cinq guerriers.

Le vieux renégat vit alors un véritable sauve-qui-peut sur la rive opposée. Armé de sa carabine et proférant d’atroces malédictions, il cherchait vainement un des ennemis qu’il pût viser ; mais les herbes les dérobaient tous à sa vue.

Quelques Indiens, trop éloignés de leurs chevaux pour essayer de courir jusqu’à l’endroit où ils étaient attachés,