Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/422

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dérobait l’ennemi qu’ils cherchaient à atteindre ; de ce nuage de fumée noire sortaient des voix confuses.

« Par ici, Bois-Rosé, s’écria la voix tonnante de Pepe. J’entends hurler ce chien de métis. Où es-tu, vipère rouge et blanche ?

– À l’aide ! au nom de tous les saints ! s’écriaient à la fois le sénateur et l’hacendero en se débattant dans leurs liens et étouffant sous de longues et noires ondulations de fumée qui se rabattaient sur eux.

– Wilson ! dit une voix.

– Sir ! » répondit une autre voix.

Et la fumée s’élevait en tourbillons épais, et les herbes de la plaine pétillaient sous les flammes qui s’élançaient de tous côtés. Dans la terrible confusion qui régnait chez les assaillants comme chez les fuyards, on eût oublié le sénateur et don Augustin malgré leurs cris, si la voix de sir Frederick ne se fût fait entendre.

« Wilson ! s’écria l’Anglais, cessez de vous occuper de ma personne ; il y a là, quelque part, non loin d’ici du moins, deux malheureux qui courent un grand danger. Les entendez-vous ? Eh bien, supposez que ce soit moi. »

En même temps, l’Anglais et l’Américain, faisant un large détour pour éviter les flammes de l’incendie, s’élançaient vers l’endroit où retentissaient les cris et les appels des deux malheureux captifs. Il était temps ; car déjà une chaleur brûlante avait atteint don Augustin et son compagnon d’infortune, quand les deux sauveurs vinrent trancher leurs liens. À peine libre, le malheureux père se précipita sur les bords du fleuve.

Un instant il ne vit qu’une masse confuse de chevaux et de cavaliers luttant contre la rapidité du courant, des têtes d’hommes et d’animaux hurlant, hennissant, se gênant mutuellement dans leurs évolutions précipitées, les uns essayant de passer avant les autres, quelques-uns entraînés au milieu du fleuve, et d’autres enfin prenant terre sur la rive. Parmi ces derniers le métis, chargé de