Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/43

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tour du pécheur que de l’infaillibilité du juste. Pourquoi les lois humaines n’emprunteraient-elles pas ce reflet des lois divines ?

Mais aujourd’hui la liberté est le seul bien que la société sache restituer à celui qu’une faute ou que le malheur en a privé.

Nous disons le malheur ; n’y a-t-il pas, en effet, une loi qui assimile au criminel un débiteur honnête et insolvable, et le soumet au même régime dans sa prison ?

Ceci dit, nous revenons à la loi de Lynch.

C’était devant un tribunal sans appel, où les parties se constituaient juges, qu’allait comparaître don Antonio de Mediana, et la justice des villes, avec tout son appareil imposant, n’aurait pu égaler en solennité les assises qui étaient au moment de s’ouvrir dans le désert, où trois hommes représentaient la justice humaine dans tout son appareil de terreur.

Nous avons dit quel lugubre et bizarre aspect offraient les lieux où la scène allait se passer. En effet, ces montagnes sombres, couvertes de brouillard, ces bruits souterrains qui grondaient, ces chevelures humaines flottant au gré du vent, ce squelette à jour du cheval indien, tout cet ensemble prenait aux yeux du seigneur espagnol un caractère étrange et fantastique qui eût pu lui faire croire qu’il était sous l’impression de quelque rêve horrible.

On se serait cru un instant transporté au moyen âge, au milieu de quelque société secrète où, avant l’admission du récipiendaire, on déployait à ses yeux tout ce qui était capable de porter la terreur dans son âme, à l’effet d’éprouver son courage.

Tout cela n’était cependant qu’une effrayante réalité.

Fabian montra du doigt au duc de l’Armada l’une des pierres plates semblables à des pierres tumulaires qui jonchaient la plaine, et s’assit sur une autre, de manière