Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/435

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tinguer les objets à quelques pieds devant eux ; mais, toute périlleuse que fût cette reconnaissance des lieux, il était indispensable de la pousser aussi loin que possible. Le Canadien continua donc d’avancer en se glissant à travers les branches, comme l’alligator qui rampe au milieu des roseaux et des joncs pour surprendre le buffle qui se désaltère.

Peu à peu cependant le bois s’éclaircissait, et Bois-Rosé put non-seulement distinguer des formes vagues et confuses d’hommes et de chevaux, mais encore jeter un coup d’œil sur l’espace entouré par l’épaisse ceinture d’arbres qu’il venait de traverser.

L’Étang-des-Castors occupait l’une des extrémités d’une vaste clairière où les chevaux et les hommes tenaient à l’aise. Sur les bords de cet étang s’élevaient une quinzaine de huttes de castors de forme ovale. La plupart de ces huttes, que les Indiens venaient d’envahir, plongeaient presque dans l’eau ; mais deux ou trois étaient assez éloignées des bords de l’étang pour avoir été converties par les assiégés en un solide rempart dont les selles des chevaux, les couvertures et les manteaux de buffle emplissaient solidement les intervalles. C’était entre la rive de l’étang et ce retranchement que se tenait le gros des Indiens, tandis que les autres allaient et venaient pour fortifier les endroits les plus faibles de la ceinture d’arbres de la clairière.

Du reste, ni Fabian, que cherchaient en vain ses yeux troublés par l’horrible appréhension qu’il éprouvait pour son enfant, ni Rosarita, ni Sang-Mêlé, ni Main-Rouge, ni l’Oiseau-Noir enfin n’étaient visibles au Canadien.

Il supposa que les objets de sa sollicitude, comme ceux de sa haine, se trouvaient entre l’étang et les huttes des castors, dont les ouvertures étaient pratiquées du côté de l’eau.

Pepe, de son côté, n’apercevait rien de plus que Bois-Rosé ; les deux chasseurs durent donc réprimer le