Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/438

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disséminés dans la plaine, ils ne pouvaient manquer d’en avoir bon marché.

Tel était le plan que le métis fit adopter, ou plutôt ce n’en était qu’une partie, car c’était surtout en vue de son intérêt qu’il l’avait proposé, et il avait eu soin de taire ce qui le concernait personnellement. Main-Rouge devait le seconder, comme on va le voir. Pendant que cette perfidie se tramait, Bois-Rosé et Pepe se glissaient avec précaution jusqu’au retranchement indien.

Passons maintenant au récit des événements.

Quarante chevaux environ, les uns dessellés, la plupart encore harnachés avec tout le luxe des sauvages, étaient attachés aux arbres les plus voisins de l’étang. Dans la hutte de castors qui faisait face à la digue occupée par Rayon-Brûlant, doña Rosario, plus pâle, plus défaite que Fabian, qui savait, lui du moins, que la mort allait terminer ses maux, était enfermée sous la garde du vieux renégat américain, assis à l’entrée de la loge, sa longue carabine en travers sur ses genoux, et caché à Bois-Rosé par les couvertures et les manteaux étendus pour fortifier le retranchement.

Dans la hutte la plus éloignée de cette dernière, Fabian, ne sachant encore s’il avait été le jouet d’un songe et s’il avait réellement entendu la voix dont il eût reconnu le timbre entre mille, réduit par de nouveaux liens à l’immobilité la plus complète, disait un dernier adieu aux plus chers souvenirs de sa courte existence.

Deux Indiens le gardaient, avec ordre de le poignarder si la sortie projetée n’avait pas le succès que le chef apache en attendait. Dans le cas où la victoire la couronnerait, l’Oiseau-Noir voulait savourer à son aise les douceurs d’une longue et cruelle vengeance. Ce n’était donc qu’à la férocité de son ennemi, et non à sa clémence, qu’il devait la prolongation de ses derniers et terribles moments.

Du reste, dans leur position respective, Fabian et Ro-