Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/455

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était aux deux tiers de sa course, quand au tumulte de la bataille et au bruit des apprêts funèbres succéda, dans la clairière, la tranquillité la plus complète.

Telles avaient été les diverses phases de la journée à laquelle la vallée de la Fourche-Rouge doit le souvenir lugubre de sa chronique.

Bois-Rosé jouissait d’un bonheur ineffable que nous ne cherchons pas à décrire, non que nous soyons de ceux qui prétendent que la douleur a plusieurs cordes dans le cœur humain, tandis que la joie n’en a qu’une ; loin de partager cette opinion, nous pensons que Dieu a départi à l’homme une égale portion de l’une et de l’autre. Seulement la première vibre bruyamment, comme si, en faisant retentir au loin les douloureux épanchements de l’âme qu’elle déchire, c’était pour lui porter quelque soulagement. La joie, au contraire, est silencieuse ; ses douces vibrations se concentrent dans le cœur, qu’elles emplissent d’une secrète et délicieuse mélodie dont le bruit dissiperait tout le charme.

Vous avouons ingénument notre impuissance de peindre le bonheur du Canadien après les terribles angoisses auxquelles il avait été livré ; aussi laissons-nous au lecteur le soin de se le retracer lui-même.

Le jeune Comanche reposait sur une couche épaisse de manteaux, près de l’Étang-des-Castors, et autour de lui se groupaient, inquiets et silencieux, Bois-Rosé, Fabian et Pepe, ainsi que Gayferos, Wilson, sir Frederick et les trois Indiens qui restaient seuls des dix guerriers qu’avait amenés leur chef. C’était à son courage, à sa présence d’esprit que le coureur des bois devait en partie la délivrance de Fabian ; lui seul avait opéré, au prix de son sang, celle de la fille de don Augustin, et il avait été l’auteur de la mort des deux pirates en empêchant leur fuite.

Bois-Rosé, avec un soin tout paternel, lava la figure et le corps de Rayon-Brûlant. Dépouillé des hideuses pein-