Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/456

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tures et des ornements bizarres dont son visage et sa tête étaient chargés, il était redevenu ce qu’avait fait de lui la nature, l’image du Bacchus indien. Le jeune guerrier blessé et étendu sur son lit de douleur, au milieu de la clairière silencieuse, entouré de ces hommes si vaillants et si énergiques pendant le combat, si tristes après la victoire, présentait un tableau sombre et lugubre.

Les regards du Canadien se reportaient avec un vif intérêt de Fabian sur le Comanche, tandis qu’il racontait à son fils d’adoption tout ce qu’avait fait pour eux le jeune chef indien mourant sous leurs yeux.

Fabian n’avait pas besoin d’être instruit de toutes ces particularités : il savait que c’était l’Indien qui avait arraché Rosarita à son ravisseur, il l’avait vu la rendre évanouie à son père, et c’en était assez pour qu’il lui vouât une éternelle reconnaissance.

« Son état n’empire pas, et c’est un bon signe, dit Pepe. S’il n’a pas quelque partie noble attaquée, et que Gayferos puisse trouver quelques tiges de l’herbe indienne qui l’a si promptement guéri lui-même, dans trois jours d’ici nous pourrons le transporter à son village.

– J’en vais chercher dès à présent, dit le gambusino scalpé en se levant ; nous avons encore près de deux heures devant nous. »

Cependant une inquiétude secrète semblait agiter Fabian, et la cause n’en put échapper à l’œil clairvoyant et jaloux de Bois-Rosé, qui suivait avec sollicitude tous les mouvements de son fils bien-aimé.

Le coureur des bois, tout en paraissant, comme Pepe, ne s’occuper qu’à démonter et à fourbir pièce à pièce la carabine de Main-Rouge, dont il s’était emparé par droit de conquête, comme le chasseur espagnol de celle du métis, ne perdait pas Fabian de vue. Le jeune comte de Mediana, comme s’il eût voulu exercer ses membres si longtemps comprimés, se leva doucement de sa place, et, après avoir jeté un coup d’œil sur le chef comanche,