Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/457

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son rival ignoré, il s’éloigna insensiblement du cercle de ses amis et se dirigea vers les huttes des castors.

Fabian cherchait à retrouver les traces de celle dont il avait un instant partagé la captivité ; peut-être, au milieu de l’herbe souillée de sang, au milieu de ces empreintes de pieds que l’acharnement de la lutte avait profondément gravées sur le sol, espérait-il distinguer celles laissées par les pieds plus légers de Rosarita.

Cependant, bien que le corps de la jeune fille eût froissé l’herbe qui tapissait l’entrée de la loge où elle avait été déposée ; bien que sa longue chevelure en désordre en eût balayé le sol, les pieds de ses ravisseurs avaient seuls laissé leurs vestiges, mêlés à ceux du cheval qui l’emportait. Aucune trace matérielle de Rosarita n’existait, Fabian ne la retrouvait que dans son imagination ; un instant, rapide comme la pensée, il avait entrevu sa robe flottante, et elle avait disparu comme ces douces images évoquées par un songe, qui s’évanouissent au réveil.

Fabian, la tête penchée vers la terre, était si absorbé dans sa contemplation mélancolique d’un lieu qui faisait revivre tous ses plus chers souvenirs, qu’il ne vit pas qu’on l’avait suivi.

« Cherchez-vous aussi l’herbe indienne ? » lui dit à l’oreille une voix qui le fit tressaillir en le rappelant tout d’un coup à la réalité.

Il se retourna vivement et vit à ses côtés le coureur des bois qui lui souriait d’un sourire qui n’était pas exempt de quelque tristesse.

« Non, répondit le jeune homme en rougissant ; je cherchais à me rappeler, et cependant peut-être ferais-je mieux de chercher à oublier.

– C’est ce que je me disais aussi, Fabian, lorsque sur la mer, lorsque dans les bois je me rappelais toujours le jeune enfant que j’avais perdu ; mais jamais je n’ai pu oublier, Dieu m’a récompensé de ma constance. Il est