Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/461

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gustin, eûmes accompagné sa fille et lui jusqu’ici, à peine y resta-t-il assez pour donner à doña Rosarita le temps de se remettre un peu de ses terribles émotions. Le voisinage des Indiens lui inspirait une terreur si vive, que, de peur d’exposer sa fille à de nouveaux dangers, il sella lui-même un cheval pour elle, l’assit le plus commodément qu’il put sur une selle d’homme, dont nous avions fait une espèce de siège, et, accompagné du sénateur qui, je le soupçonne, tremblait un peu pour son propre compte, et de ses trois serviteurs, il prit au galop le chemin du préside. Ils doivent en être près maintenant et hors de tout danger. Là il attendra les vaqueros qui ont échappé aux Indiens. Comme moi, les pauvres diables ont perdu la moitié de leurs camarades, acheva tristement Encinas, et ils ont emporté leurs blessés.

– Hélas ! la journée qui vient de s’écouler a été terrible, et le souvenir s’en conservera longtemps dans le pays, dit le Canadien. Peut-être cependant le seigneur don Augustin aurait-il dû s’empresser un peu moins de quitter le voisinage d’un champ de bataille sur lequel, au bout du compte, la plupart des braves gens qui y étaient ne se faisaient égorger que pour sa cause et celle de sa fille.

– Ma foi, seigneur Bois-Rosé, vous tenez là le même langage absolument que cette belle jeune fille, qui paraît n’avoir pas moins de courage que de beauté, ce qui est beaucoup dire. Mais son père n’a pas voulu l’entendre.

– Ainsi, c’est donc contre son gré qu’elle a si promptement quitté le Lac-aux-Bisons ?

– Oui ; elle prétendait qu’on ne pouvait abandonner ainsi de fidèles serviteurs qui auraient peut-être besoin de soins après la bataille.

— Et parmi ces gens qui s’exposaient si bravement pour elle, je ne parle pas des serviteurs, mais de tous ceux dont l’aide était plus désintéressée, doña Rosarita n’a nommé personne ? ajouta le Canadien.