Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/462

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– Oh ! non, reprit Encinas ; elle parlait en général. »

Fabian écoutait ce dialogue avec la sourde colère d’un homme qui ne sait pas encore deviner la pensée d’une femme sous le voile de discrète réserve dont la timidité la force à s’envelopper. Il semblait ignorer que Rosarita eût-elle invoqué la sollicitude de son père pour tous les combattants l’un après l’autre, le seul qu’elle aurait omis de nommer eût été précisément l’objet de sa préférence. Le pauvre Fabian aimait avec la fougueuse ardeur, mais aussi avec toute l’inexpérience du jeune Comanche, son rival sauvage. Mille pensées amères vinrent l’assaillir ; mille projets incohérents, insensés, contradictoires, à peine éclos, mouraient tour à tour dans son âme. Tantôt il projetait de poursuivre, la carabine au poing, le sénateur qui lui enlevait Rosarita, tantôt de la fuir elle-même jusqu’au fond des déserts et d’y perdre à jamais son souvenir. Au milieu de ce dédale de projets qui se détruisaient l’un l’autre, son irrésolution restait toujours la même, et l’obscurité la plus complète régnait dans ses idées, tandis qu’un seul moment de lucidité dans son esprit lui eût indiqué le seul parti qu’il eût à prendre, celui de se présenter de nouveau à l’hacienda del Venado. C’est ainsi que dans un ciel orageux les éclairs se croisent des points les plus opposés de l’horizon, sans que leur éclat éblouissants puisse dissiper les ténèbres, comme le ferait un seul rayon de soleil.

« Alors, continua Encinas, quand j’ai vu le Lac-aux-Bisons abandonné, j’ai ouvert la barrière aux chevaux que nous avions capturés, et, au moment où vous êtes venu vous-même ici, j’allais vous rejoindre à l’Étang-des-Castors pour chercher des nouvelles du jeune et noble guerrier comanche, que j’aime comme un fils.

– Retournons près de lui de compagnie, si cela vous convient, » dit Bois-Rosé.

Encinas accepta l’offre du Canadien pour aller dire