Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/465

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déjà pris sa course vers sa querencia avec la rapidité du vent.

Réveillé en sursaut par le craquement des buissons et le hennissement du coursier, mais surtout par les jurons que lâchaient en chœur, à l’envi l’un de l’autre, sir Frederick et l’Américain, Encinas essaya de les consoler en leur répétant qu’autant vaudrait se désespérer de pouvoir arrêter le vent ou s’emparer des nuages du ciel ; mais les deux hérétiques, ainsi que les appelait le chasseur de bisons, ne voulurent pas être consolés.

Le jour brillait à peine que l’Américain et l’Anglais se disposèrent à se remettre en route dans la direction prise par le Coursier-Blanc-des-Prairies. Encinas secoua la tête :

« Prenez garde, seigneur Anglais, dit-il ; ceux qui s’acharnent trop à la poursuite de ce merveilleux animal ne revoient plus ni leur patrie ni leur famille.

– Mon cher ami, dit sir Frederick, nous différons entièrement d’avis. Vous croyez au diable, et moi je n’y crois pas. Quant aux dangers habituels des déserts, en supposant qu’il y en eût d’autres que ceux qu’on cherche, comme dès aujourd’hui je retombe sous l’empire de mon contrat avec Wilson, je ne m’en mêle plus et je recommence à voyager avec plus de sécurité que sur les bords de la Tamise, le long de laquelle on rencontre une foule de vauriens que l’on n’est pas toujours maître d’éviter. Wilson !

– Sir !

– Ai-je bien dit ?

– Votre Seigneurie me fait infiniment d’honneur en se confiant plus en moi seul qu’à tous les policemen de Londres ensemble.

– Êtes-vous prêt ? »

Wilson trouva qu’il pouvait faire l’économie d’une réponse, et la sienne fut de monter à cheval. Sir Frederick Wanderer imita le silence de son garde du corps,