Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/480

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lure avec la peau du crâne. Voilà pourquoi, seigneur cavalier, je porte aujourd’hui ce mouchoir sur la tête, le jour comme la nuit. »

Une sueur froide, pendant tout ce récit, couvrait la figure du gambusino. Ses deux auditeurs tressaillirent d’horreur.

Après un moment de profond silence :

« J’aurais peut-être dû, dit le narrateur, vous épargner, ainsi qu’à moi-même, d’aussi tristes détails. »

Gayferos, continuant son récit, raconta à ses auditeurs le secours inespéré que lui portèrent les trois chasseurs réfugiés dans l’îlot. Il en était au moment où Bois-Rosé l’y transportait en présence des Indiens, quand cette action héroïque arracha de la bouche de don Augustin un cri d’admiration.

« Mais ils étaient donc une vingtaine dans cette île ou ce radeau ? interrompit-il.

– Y compris le géant qui m’emportait dans ses bras, ils étaient trois, reprit le narrateur.

– Vive Dieu ! de fiers hommes alors ; mais continuez. »

Le gambusino poursuivit :

« Les compagnons de celui qui m’avait porté dans ses bras étaient un autre homme de son âge, à peu près, c’est-à-dire de quarante-cinq ans, puis, un jeune homme au visage pâle, mais fier, à l’œil étincelant et au doux sourire, un beau jeune homme sur ma foi, madame, tel qu’un père serait fier de l’appeler son fils, tel qu’une femme devrait être heureuse et fière aussi de le voir à ses pieds. Dans un court moment de répit que me donnèrent les douleurs horribles que j’éprouvais, je pus interroger mes libérateurs sur leurs noms et leurs conditions ; mais je ne pus rien obtenir d’eux, si ce n’est qu’ils étaient chasseurs de loutres et qu’ils voyageaient pour leur plaisir. Ce n’était guère probable ; cependant je ne fis aucune observation. »