Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait nous suivre avec répugnance dans cette direction.

« Je ne vous raconterai pas nos fatigues et les nombreuses difficultés que nous eûmes à surmonter pendant un long et périlleux voyage. Je veux pourtant vous parler d’un de nos derniers combats contre les Indiens.

« Pour regagner le préside, il était nécessaire de traverser la chaîne des Montagnes-Brumeuses, et ce fut vers l’approche de la nuit que nous nous y trouvâmes engagés et obligés de nous y arrêter.

« C’est un des endroits les plus fréquentés des Indiens gilènes, et nous n’y pouvions camper qu’avec la plus grande précaution.

« Rien ne ressemble plus, je l’avoue, à la demeure des esprits de l’abîme que ces montagnes au milieu desquelles nous passâmes la nuit. À chaque instant des bruits étranges qui semblaient sortir des cavités des rochers venaient frapper nos oreilles : c’était tantôt comme un volcan qui gronde sourdement, ou comme la voix d’une cataracte lointaine qui mugit, tantôt comme les hurlements des loups ou comme des gémissements plaintifs, et de temps à autre des éclairs sinistres déchiraient le voile de vapeurs éternelles qui couvre ces montagnes.

« De peur de surprise, nous avions campé sur un rocher qui s’avançait comme une table au-dessus d’un assez large vallon ouvert à une cinquantaine de pieds au-dessous. Les deux chasseurs les plus âgés dormaient. Le plus jeune seul veillait : c’était son tour, qu’il avait, comme d’habitude, été forcé de revendiquer, car ses compagnons semblaient le voir avec peine partager ainsi leurs fatigues.

« Pour moi, malade et souffrant, étendu sur le sol après de longs efforts pour gagner le sommeil, je venais enfin de m’endormir lorsqu’un rêve affreux me réveilla en sursaut.

« N’avez-vous rien entendu ! » demandai-je au jeune