Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/486

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homme à voix basse. « Rien de nouveau, me dit-il, que les bruits des, volcans souterrains qui grondent dans les montagnes. – Dites plutôt que nous sommes ici dans quelque lieu maudit, » repris-je ; et je racontai mon rêve au jeune homme.

« C’est peut-être un avertissement, dit-il gravement. Je me rappelle une nuit avoir fait un rêve semblable quand… »

« Le jeune homme s’interrompit. Il venait de s’avancer sur le bord du rocher. Je me traînai machinalement sur ses pas. Un même objet venait de frapper nos yeux en même temps.

« Un des esprits de ténèbres qui doivent habiter ces lieux semblait avoir pris tout à coup une forme visible. C’était une espèce de fantôme avec la tête et la peau d’un loup, mais droit sur ses jambes, comme une créature humaine. Je fis un signe de croix et une oraison ; le fantôme ne bougea pas.

« C’est le diable, murmurai-je. – C’est un Indien, » reprit le jeune homme ; « tenez, voilà ses compagnons « à quelque distance. »

« En effet, nos yeux, déjà accoutumés à l’obscurité, purent distinguer une vingtaine d’Indiens étendus par terre, et qui certes ne nous croyaient pas si près d’eux.

« Ah ! madame, ajouta le gambusino en s’adressant à doña Rosario, c’était une de ces occasions pleines de dangers que le pauvre jeune homme cherchait avec tant d’avidité, et vous auriez eu comme moi le cœur navré en voyant la joie triste qui brilla dans ses yeux ; car, à mesure que nous nous éloignions du désert, sa mélancolie semblait redoubler.

« Éveillons nos amis, dis-je alors. – Non, laissez-moi aller seul : ces deux hommes ont assez fait pour moi ; c’est à mon tour à m’exposer pour eux, et, si je meurs… eh bien, j’oublierai. »

« En disant ces mots, le jeune homme s’éloigna de