Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/498

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dans leurs yeux : un regard de Gayferos la satisfit bientôt, et la joie se répandit aussitôt sur leurs figures. Ce regard leur disait sans doute que tout allait au gré de leurs désirs. Fabian fut le seul qui manifesta quelque étonnement à la vue de son ancien compagnon si près de l’hacienda del Venado.

« Était-ce donc pour nous précéder ici que vous veniez prendre congé de nous près de Tubac ? demanda-t-il au gambusino.

– Sans doute ; ne vous l’avais-je pas dit ? répondit Gayferos.

– Je ne l’avais pas compris ainsi, » reprit Fabian, qui, sans paraître attacher plus d’importance à tout ce qui pouvait se dire ou se faire autour de lui, retomba dans le sombre silence qui lui était devenu habituel.

Gayferos tourna bride, et les quatre voyageurs continuèrent silencieusement leur marche.

Après une heure environ, pendant laquelle Gayferos et le Canadien échangèrent seuls quelques mots à voix basse, sans que Fabian, toujours absorbé, y prît garde, les souvenirs d’un passé qui n’était pas bien éloigné vinrent s’offrir en foule à la mémoire de trois des cavaliers. Ils traversaient de nouveau la plaine qui s’étendait au delà du Salto-de-Agua ; puis quelques instants après ils arrivaient au torrent lui-même, qui grondait toujours entre les pierres de ses berges. Un pont, aussi grossier que l’ancien, remplaçait celui qu’avaient précipité dans le gouffre les hommes qui dormaient maintenant du sommeil éternel dans ce val d’Or, objet de leur ambition.

Le Canadien avait mis pied à terre un instant.

« Tenez, Fabian, dit-il, ici se trouvait don Estévan ; les quatre bandits (j’en excepte cependant ce pauvre Diaz, l’effroi des Indiens) étaient là. Tenez, voici encore la trace des pieds de votre cheval, quand il glissa sur ce rocher en vous entraînant dans sa chute. Ah ! Fabian,