Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/505

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lui dire qu’elle l’aimait. Depuis ce temps, elle avait tant souffert, tant pleuré, que cette fois l’amour fut plus fort que la pudeur virginale. La vierge a parfois de ces audaces que leur chasteté sanctifie.

« Approchez, Tiburcio, dit-elle ; tenez, voici ma main. »

Fabian ne fit qu’un bond jusqu’à ses pieds, et il pressait convulsivement la main qu’on lui tendait ; mais il essaya vainement de parler.

La jeune fille arrêta sur lui un regard de tendresse inquiète.

« Laissez-moi voir combien vous avez changé, Tiburcio, reprit-elle… Oh ! oui, la douleur a laissé sa trace sur votre front, mais la gloire l’a ennobli. Vous êtes aussi brave que beau, Tiburcio ; j’ai appris avec orgueil que le danger ne vous a jamais fait pâlir.

– Vous savez, dites-vous ? s’écria Fabian ; mais que savez-vous ?

– Tout, Tiburcio, jusqu’à vos plus secrètes pensées, j’ai tout su, jusqu’à votre présence ici ce soir… Comprenez-vous ?… et me voici !

– Avant que j’ose vous comprendre, Rosarita, car, cette fois, une méprise me tuerait sur l’heure, reprit Fabian, que ces mots et l’air de tendresse de la jeune fille avaient troublé jusqu’au fond de l’âme, voulez-vous répondre… à une question… si j’ose vous la faire ?

– Osez, Tiburcio, reprit tendrement Rosarita, dont la lune éclairait le front chaste et pur ; je suis venue ici pour vous entendre.

– Écoutez, dit le jeune comte : il y a six mois, j’ai eu à venger à la fois la mort de ma mère et celle de l’homme qui m’avait servi de père, Marcos Arellanos ; car, si vous savez tout, vous savez aussi que je ne suis plus…

– Vous n’êtes toujours pour moi que Tiburcio, in-