Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/507

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rabine, Bois-Rosé était à deux pas, couvrant d’un regard d’une profonde tendresse le groupe des deux jeunes gens.

C’était la réalisation de son rêve dans l’îlot de Rio-Gila.

« Oh ! mon père, s’écria douloureusement Fabian, me pardonnerez-vous d’avoir été vaincu ?

– Qui ne l’eût été à votre place, mon Fabian bien-aimé ? dit en souriant le Canadien.

– J’ai trahi mes serments, reprit Fabian ; je vous avais promis de ne plus aimer que vous. Pardon, mon père.

– Enfant, qui implores un pardon quand c’est à moi de le demander ! dit Bois-Rosé. Vous avez été plus généreux que moi, Fabian. Jamais lionne qui arrache son lionceau des mains des chasseurs ne l’a emporté au fond de sa tanière avec un amour plus sauvage que je ne vous ai arraché aux habitations pour vous entraîner dans le désert. J’y étais heureux, parce qu’en vous se concentraient toutes les affections de mon cœur ; j’ai pensé que vous deviez l’être aussi. Vous n’avez pas murmuré, vous avez sacrifié sans hésiter les trésors de votre jeunesse. C’est moi qui n’ai pas voulu qu’il en fût ainsi, et je n’ai encore été qu’égoïste au lieu d’être généreux : car, si le chagrin vous eût tué, je serais mort aussi.

– Que voulez-vous dire ? s’écria Fabian.

– Ce que je veux dire, enfant ? Qui a épié votre sommeil pendant de longues nuits, pour lire sur vos lèvres les secrets désirs de votre cœur ? C’est moi. Qui a voulu accompagner jusqu’à cet endroit l’homme que votre intervention m’avait fait sauver des mains des Apaches ? Qui l’a envoyé vers cette belle et gracieuse jeune fille, savoir s’il y avait dans son cœur un souvenir pour vous ? C’est encore moi, mon enfant, car votre bonheur m’est mille fois plus précieux que le mien. Qui vous a persuadé de tenter cette dernière épreuve ?