Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/52

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Il s’approcha du duc de l’Armada, inclina un genou devant lui, prit sa main et la baisa.

« Je prierai pour le salut de votre âme, dit-il à voix basse. Seigneur duc de l’Armada, me déliez-vous de mon serment ?

– Oui, reprit don Antonio d’une voix ferme ; allez, et que Dieu vous bénisse pour votre loyauté. »

Le noble aventurier s’éloigna en silence.

Son cheval était resté non loin de là.

Diaz le rejoignit, et, la bride dans ses mains, il marcha lentement dans la direction de la fourche de la rivière.

Cependant le soleil poursuivait son éternelle carrière. Les ombres se raccourcissaient peu à peu ; les vautours noirs volaient toujours en rond au-dessus de la tête des quatre acteurs du drame terrible dont le dénoûment approchait ; sous les brouillards des Montagnes-Brumeuses, des explosions sourdes continuaient à gronder par intervalles comme un orage lointain.

Pâle, mais résigné, l’infortuné comte de Mediana était resté debout ; plongé dans une dernière rêverie, il semblait ne pas s’apercevoir que l’ombre décroissait toujours.

Les objets extérieurs disparaissaient à ses yeux, entre un passé qui ne lui appartenait plus et l’éternité qui allait s’ouvrir.

Cependant son orgueil luttait encore au dedans de lui, et il gardait un silence obstiné.

« Seigneur comte de Mediana, reprit Fabian, qui voulait tenter une dernière chance, dans cinq minutes le poignard ne projettera plus d’ombre.

– Je n’ai rien à dire du passé, répondit don Antonio, je n’ai plus qu’à m’occuper de l’avenir de mon nom. Maintenant, ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles que vous allez entendre : sous quelque forme qu’elle se présente à moi, la mort n’a rien qui m’épouvante.