Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/56

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« Restez ici, par le salut de votre âme, seigneur Cuchillo, lui dit le chasseur.

– Le géant aura entendu parler de mes ressources intellectuelles, se dit Cuchillo ; ils ont besoin de moi. Après tout, j’aime mieux partager avec eux que de ne rien avoir ; mais, à coup sûr, ce val d’Or est ensorcelé… Vous permettez, seigneur Canadien, reprit-il en s’adressant au chasseur ; et, feignant une surprise qu’il n’éprouvait pas à l’aspect de son chef : j’ai à… »

Un geste impérieux de Fabian coupa court à la demande de Cuchillo.

« Silence, dit-il, ne troublez pas les dernières pensées d’un chrétien qui va mourir ! »

Nous l’avons dit, le poignard planté en terre ne projetait plus d’ombre.

« Seigneur de Mediana, ajouta Fabian, je vous demande encore, par le nom que nous portons, sur votre honneur, sur le salut de votre âme, êtes-vous innocent du meurtre de ma mère ?… »

À cette interrogation suprême, don Antonio répliqua sans faiblir :

« Je n’ai rien à dire, je ne reconnais qu’à mes pairs le droit de me juger. Que mon sort et le vôtre s’accomplissent.

– Dieu me voit et m’entend, dit Fabian ; puis, emmenant Cuchillo à l’écart : Un jugement solennel a condamné cet homme, lui dit-il. En qualité de représentants de la justice humaine dans ce désert, nous confions à vos mains la tâche du bourreau. Les trésors que ce vallon renferme payeront l’accomplissement de ce terrible devoir. Puissiez-vous n’avoir jamais commis de meurtre plus inique !

– On n’a pas vécu quarante ans sans avoir quelques peccadilles sur la conscience, seigneur don Tiburcio. Cependant je n’aurais pas tué à moins le seigneur don Estévan, et je suis fier de voir priser mes talents à leur