Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/57

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juste valeur. Vous dites donc que tout l’or du val d’Or sera pour moi ?

– Tout, sans en excepter une parcelle.

– Caramba ! Malgré mes scrupules bien connus, c’est un bon prix : aussi ne marchanderai-je pas ; et, si même vous aviez quelque autre petit service à me demander, ne vous gênez pas, ce sera par-dessus le marché. »

Ce que nous avons dit précédemment justifie l’apparition inattendue de Cuchillo.

Le bandit, caché dans les eaux du lac voisin, s’en était échappé pendant qu’avait lieu le prologue du drame auquel il venait se mêler.

La rencontre de Baraja et d’Oroche dans la montagne l’avait fait revenir à sa première idée, celle de se joindre au vainqueur.

À tout prendre, il voyait que les choses tournaient mieux qu’il ne l’eût pensé.

Cependant il ne se dissimula pas le danger qu’il y avait pour lui à être le bourreau de l’homme qui connaissait tous ses crimes, et qui d’un mot pouvait le livrer à la justice implacable en vigueur dans les déserts.

Il comprit que pour gagner la récompense promise, pour empêcher don Antonio de parler, il fallait commencer par le tromper, et il trouva moyen de dire bas à l’oreille du condamné :

« Ne craignez rien… je suis avec vous. »

Les spectateurs de cette terrible scène gardaient un profond silence, sous l’impression profonde qu’elle faisait éprouver à chacun d’eux.

Une prostration complète avait succédé dans l’âme de Fabian à l’énergie de sa volonté, et son front se courbait vers la terre, aussi pâle, aussi livide que celui de l’homme dont sa justice avait prononcé l’arrêt.

Bois-Rosé, chez qui les dangers continuels de la vie de matelot et de chasseur avaient émoussé cette hor-