Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/61

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s’y faisaient entendre, s’il devait se réjouir ou s’affliger de cette catastrophe inattendue.

Cependant un nuage d’amère tristesse chargeait son front.

Moins accoutumé que ses deux sauvages compagnons à des scènes sanglantes, il approuvait, bien qu’en gémissant, leur inexorable logique.

Pendant ce temps, Cuchillo avait repris toute son audace ; les choses tournaient au mieux pour lui.

Il jeta sur le cadavre de celui qui ne pouvait plus parler un regard de haine satisfaite et murmura à demi-voix :

« À quoi tient la destinée humaine ? Il y a vingt ans, ma vie n’a dépendu que de l’absence d’un arbre. »

Puis s’adressant à Fabian :

« Il est donc constaté que je vous ai rendu un grand service. Ah ! don Tiburcio, il faut vous résoudre à rester mon obligé ; mais tenez, je pense généreusement à vous fournir les moyens de vous acquitter. Il y a là des richesses immenses, et il ne s’agit pour cela que de vous rappeler votre parole donnée à celui qui, pour vous, n’a pas craint de se mettre pour la première fois, j’ose le dire, en querelle ouverte avec sa conscience. »

Et Cuchillo, qui, malgré la promesse de Fabian de lui abandonner l’or objet de sa convoitise, savait que promettre et tenir sont deux, attendit plein d’anxiété la réponse de Fabian.

« Ah ! c’est vrai ! le prix du sang vous est dû, » dit-il au bandit.

Cuchillo affecta une attitude indignée.

« Eh bien ! celui-là vous sera magnifiquement payé, reprit le jeune homme d’un air de mépris. Mais il ne sera pas dit que j’aurai partagé avec vous ; l’or de ce placer est pour vous.

– Tout ? s’écria Cuchillo, qui n’en pouvait croire ses oreilles.