Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/63

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viné le rôle qu’on allait lui faire remplir, il avait entendu le cri de fausse alarme du bandit, puis enfin le sanglant dénoûment du drame ne lui avait pas échappé.

Jusqu’alors il était resté immobile à sa place, pleurant sur le sort de son chef et sur les espérances que sa mort anéantissait.

Cuchillo venait de disparaître dans le val d’Or, quand les trois chasseurs virent Diaz se lever et marcher vers eux.

Il s’avançait à pas lents, comme la justice de Dieu, dont il allait être aussi l’instrument.

Son bras était passé dans la bride de son cheval, et son front, obscurci par la douleur, était baissé vers la terre.

L’aventurier jeta un regard empreint de tristesse sur le duc de l’Armada nageant dans son sang ; la mort n’avait pas effacé de son visage l’expression d’un inaltérable orgueil.

« Je ne vous blâme pas, dit-il. À votre place, j’en eusse fait autant. Que de sang indien n’ai-je pas fait couler pour assouvir ma vengeance !

– C’est pain bénit, interrompit Bois-Rosé en passant la main dans son épaisse chevelure grise et en jetant sur l’aventurier un regard de sympathie. Pepe et moi, nous pouvons dire que de notre côté…

– Je ne vous blâme donc pas ; mais je pleure parce que j’ai vu tomber presque sous mes yeux un homme au cœur fort, un homme qui tenait dans sa main l’a venir de la Sonora ; je pleure, parce que la gloire de mon pays est morte avec lui.

– C’était, comme vous dites, un homme au cœur fort, mais au cœur de rocher, dit Bois-Rosé ; que Dieu ait son âme ! »

Un douloureux tressaillement agita le cœur de Fabian. Diaz continua l’oraison funèbre du duc de l’Armada.

« Nous avions rêvé, lui et moi, l’affranchissement d’une puissante province et des jours de splendeur ; ni lui, ni