Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/72

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lentement ; son regard fit courir sur l’épiderme de Cuchillo un frisson de terreur.

« Cuchillo, dit-il, vous m’avez empêché de mourir de soif et vous n’avez pas obligé un ingrat. Je vous ai pardonné le coup de poignard dont vous m’avez blessé à l’hacienda del Venado. Je vous ai pardonné de nouvelles tentatives près du Salto de Agua ; je vous ai pardonné le coup de carabine que vous seul avez pu nous adresser du sommet de cette pyramide ; je vous aurais enfin pardonné tous les attentats qui n’auraient eu pour but que de m’enlever la vie que vous m’aviez conservée ; non content de vous avoir pardonné, je vous avais même payé comme un roi ne paye pas l’exécuteur de sa justice.

– Je ne le nie pas ; mais cet estimable chasseur, qui m’a exposé avec toute espèce de ménagements le point délicat où vous voulez en venir, a dû vous dire combien il m’a trouvé raisonnable à ce sujet.

– Je vous ai pardonné, reprit Fabian ; mais il est un crime entre autres dont votre conscience n’a pas dû vous absoudre.

– Ma conscience et moi nous nous entendons fort bien, reprit Cuchillo avec un sourire gracieusement sinistre ; mais il me semble que nous nous écartons de notre sujet.

– Cet ami que vous avez lâchement assassiné…

– Il me contestait le gain de la partie, et, ma foi, la consommation d’eau-de-vie était très-forte, interrompit Cuchillo. Mais permettez…

– Ne feignez point de ne pas me comprendre, » s’écria Fabian irrité de l’impudence du coquin.

Cuchillo recueillit ses souvenirs.

« Si vous parlez de Tio Tomas, c’est une affaire qu’on n’a jamais bien sue, mais… »

Fabian ouvrait la bouche pour formuler nettement l’accusation d’assassinat d’Arellanos, quand Pepe intervint.