Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/73

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« Je serais curieux, dit-il, de savoir au juste l’histoire de Tio Tomas ; peut-être le seigneur Cuchillo n’aura-t-il pas le loisir de rédiger ses mémoires, ce qui sera dommage.

– Je tiens aussi, reprit Cuchillo flatté du compliment, à prouver que peu d’hommes ont une conscience plus susceptible que la mienne ; voici donc le fait : Tio Tomas, mon ami, avait un neveu impatient d’hériter de la fortune de son oncle. Je reçus cent piastres du neveu pour hâter le moment de l’ouverture de la succession ; c’était bien peu pour un si beau testament.

« C’était si peu que je prévins Tio Tomas, et je reçus deux cents piastres pour que son neveu n’héritât jamais de lui. Je commis la faute de… dépêcher le neveu sans le prévenir, comme je l’aurais dû faire, peut-être. Ce fut alors que je sentis combien est incommode une conscience hargneuse comme la mienne ; je saisis donc le seul moyen d’accommodement qui me restât. L’argent du neveu était un remords pour moi, je résolus de m’en débarrasser.

– De l’argent ?

– Non pas !

– Et vous dépêchâtes l’oncle à son tour, » s’écria Pepe.

Cuchillo s’inclina.

« Ma conscience n’eut plus dès lors le plus petit reproche à me faire. J’avais gagné trois cents piastres avec la plus ingénieuse loyauté. »

Cuchillo souriait encore quand Fabian s’écria :

« Vous avait-on payé pour assassiner Marcos Arellanos ? »

À cette accusation foudroyante, une pâleur livide décomposa les traits de Cuchillo.

Il ne put se dissimuler plus longtemps le sort qui l’attendait.

Le bandeau qui couvrait ses yeux tomba subitement,