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Bientôt la voix de la cascade troubla seule le silence du désert ; l’abîme venait d’engloutir celui de qui la vie n’avait été qu’un long tissu de crimes.

« Ah ! s’écria Fabian, vous avez ôté au jugement des hommes son auguste caractère.

– Peut-être, répondit Pepe ; mais le jugement de Dieu, qui vient de s’accomplir, est encore plus effrayant. »



CHAPITRE V

LES VOIX INTÉRIEURES.


Les ombres s’allongeaient insensiblement à mesure que le soleil s’avançait vers le couchant, et, sous ses rayons obliques, le val d’Or ne jetait plus que de pâles et rares lueurs. Bientôt ces vastes solitudes, où venaient de se passer les terribles événements que nous avons racontés, allaient s’envelopper du manteau de la nuit et reprendre leur calme habituel.

Un devoir restait à remplir : c’était de donner la sépulture à don Antonio de Mediana. Bois-Rosé et Pepe se chargèrent de ce soin ; transporté dans leurs bras jusqu’au sommet de la pyramide, il trouva son dernier asile dans le tombeau du chef indien. La superstition qui avait consacré ces lieux mettait le corps à l’abri de la profanation des hommes, et les pierres qui couvraient la tombe le protégeaient contre la voracité des oiseaux de proie.

« Que de fois, s’écria mélancoliquement le vieux chasseur, depuis que je suis en âge de porter un fusil ou une carabine, n’ai-je pas été présent dans ces moments douloureux où l’on compte ses morts ! Ah ! quoi qu’on dise, l’instinct sanguinaire de l’homme ne s’éteindra jamais ;