Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/79

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– Soit. Je ne vous contredirai pas ; un jour de plus avec vous me sera toujours précieux. Vous l’entendez, Pepe ; mon avis est donc d’asseoir notre camp là-haut sur la colline.

– Oui, dit Fabian, du voisinage de l’homme qui depuis une heure repose près d’un chef indien peut-être sortira-t-il pour moi quelque leçon dont je profiterai. »

Le soleil s’inclinait de plus en plus vers l’horizon, et les trois amis gravirent de nouveau au haut de la pyramide. De son sommet la vue dominait au loin, et l’aspect du désert était de nature à promettre une nuit tranquille. Un calme profond régnait partout. À l’exception d’une nuée de vautours planant au-dessus du cheval de don Estévan resté dans la plaine sans vie comme son maître dans son tombeau, et qui rappelait une sanglante catastrophe, tout avait repris la même physionomie de morne tranquillité.

Ces heures calmes du soir, dans les lieux qu’habite l’homme, portent à la rêverie ; mais, dans le désert, un sentiment de crainte se mêle toujours aux pensées qu’elles évoquent. Pepe, moins absorbé que ses deux compagnons, jetait seul de temps en temps à l’horizon des regards soucieux.

« Mon avis, dit-il enfin, est que nous commettons une grande imprudence en restant ici cette nuit.

– Pourquoi cela ? où trouverons-nous une position plus forte et plus avantageuse que sur cette hauteur ? reprit le Canadien.

– Nous avons laissé échapper deux coquins dont la rancune peut nous jouer un mauvais tour.

– Quoi ! ces deux vermines ? Ne vous rappelez-vous pas que nous avons vu l’un de ces vauriens tomber dans ce même gouffre où vous avez envoyé Cuchillo le rejoindre ?

– C’est vrai, et je me rappellerai longtemps les cris déchirants de ce malheureux suspendu aux branches