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un retranchement derrière lequel les trois chasseurs étaient à l’abri des balles en cas de besoin.

Cette précaution prise, le Canadien jeta autour de lui un regard de calme satisfaction. Leur provision de poudre et de plomb était plus que suffisante, et le chasseur s’en rapportait pour le reste à sa bonne étoile, à l’intrépidité de son cœur, à la justesse de son coup d’œil et à cette fertilité de ressources qui l’avaient tiré de tant de dangers en apparence insurmontables.

« Alors, dit Pepe, nous nous occuperons de manger un morceau avant le premier quart de nuit. Avez-vous encore un peu de viande sèche dans votre carnier, Bois-Rosé ? Quant à moi, il m’en reste à peine quelques bribes qui courent l’une après l’autre sans pouvoir se joindre. »

Inspection faite des provisions de bouche, il se trouva qu’à l’exception d’une quantité de pinole[1] suffisante encore pour deux jours, il n’y avait de viande séchée au soleil que juste pour un chétif repas. Mais comme Fabian déclara qu’il se contenterait d’une poignée de farine de maïs délayée dans de l’eau, les deux chasseurs se décidèrent à se contenter de leur cecina telle qu’elle se trouvait dans la carnassière de Bois-Rosé.

« Savez-vous, dit Pepe en se mettant en besogne, que depuis notre départ de l’hacienda, à l’exception de ce chevreuil dont vous avez fait sécher les débris au soleil, nous n’avons fait que de bien maigres repas ?

– Que voulez-vous, répondit le Canadien ; trois hommes seuls dans un désert, n’osent guère allumer du feu ni tirer un coup de fusil contre un daim, de peur de se trahir.

– C’est vrai ; mais, quoi qu’il puisse arriver, malheur au premier chevreuil qui se trouvera à portée de ma carabine. »

Pendant que le chasseur et Pepe achevaient leur fru-

  1. Farine grossière de maïs concassé, et mêlée d’une portion de sucre et de cannelle broyés.