Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/85

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tous les désirs que l’homme peut concevoir dans sa plus folle ivresse. Fabian, un moment, fut en proie à une espèce de fascination.

L’or est presque toujours un aussi mauvais conseiller que la faim. Une phrase de sa mère adoptive à son lit de mort, phrase terrible et oubliée depuis longtemps, vint tout à coup gronder à ses oreilles : « Promets de venger, Arellanos, lui avait dit la mourante, et je te confierai un secret qui te fera si riche que, s’il te plaît d’acheter pour une heure, pour un jour, pour un mois, la femme objet de ta folle passion, elle se livrera à toi jusqu’au moment où, elle souillée, toi rassasié de jouissance, tu la rejetteras aux bras d’un autre homme trop heureux de la prendre avec le trésor dont tu auras pavé sa bassesse. »

Frémissant au souvenir de son amour dédaigné, Fabian caressa un instant dans sa pensée cette fatale phrase ; son cœur battait avec violence, le vertige s’emparait de lui… Mais soudain rappelé à lui-même par sa nature noble et généreuse, la vue de cet amas d’or qu’il accusait d’avoir un moment flétri sa pensée ne lui inspira plus que du dégoût. « Arrière, vil métal de corruption, s’écria-t-il ; arrière, démon tentateur ! »

Et le jeune homme ferma les yeux, puis il retourna s’asseoir à sa place. Sa détermination était irrévocablement prise. L’image de Rosarita s’était présentée à son esprit dans toute sa naïve candeur et l’enveloppait de son chaste et séduisant regard.

Cependant Bois-Rosé avait satisfait le premier besoin de sommeil et rouvrait les yeux, que Fabian était encore enseveli dans ses pensées. La voix du vieux chasseur vint l’en arracher.

« Rien de nouveau, demanda Bois-Rosé.

– Rien, répondit Fabian ; mais pourquoi interrompre sitôt votre sommeil ?

– Sitôt ! les étoiles n’ont pas mis moins de quatre